La malédiction des chats noirs

Est-ce qu’adopter un chat noir est une idée qui vous choque ? Vous verriez-vous choisir un chat noir si vous deviez adopter ? Quel effet cela vous fait de croiser un chat noir dans la rue ?

Pour certains, ces questions doivent sembler farfelues car il est évident pour eux qu’un chat noir est avant tout un chat, et qu’il n’y a donc aucun problème à en croiser ou à en adopter. Et on peut avoir l’impression qu’étant au 21ème siècle, la peur du chat noir n’a pas de sens et n’existe plus. Mais même si des siècles sont passés maintenant depuis les origines de cette peur et qu’aujourd’hui peu de gens continuent à l’avoir et à la véhiculer, il reste quand même dans les faits que l’adoption d’un chat noir est quelque chose qui continue d’étonner et que cela ne va tellement toujours de soi.

En effet, les chats noirs, et malheureusement cela s’étend aussi aux chiens de la même couleur, continuent à être victimes des superstitions (même inconscientes) autour de leur couleur. Certes, de nos jours, ils ne sont plus persécutés. Mais il continue à souffrir de rejet.
Des études américaines ont montré que les chats noirs, comme les chiens noirs, peuvent attendre en moyenne 2 fois plus longtemps que les autres pour être adoptés. Différentes études ayant décrit ce phénomène et la réputation négative des animaux de couleur noire, on parle aujourd’hui de « Black Cat Syndrome » (ou syndrome du chat noir) et de sa version canine.

Alors même si aujourd’hui certaines personnes continuent d’éviter les chats noirs sans vraiment savoir pourquoi mais juste par habitude ou héritage inconscient, il nous semblait intéressant de comprendre d’où tout cela venait pour mieux déconstruire cette peur. Depuis quand et pourquoi ces félins à la robe sombre inspirent la crainte et le rejet ? Jusqu’à quel point en ont-ils souffert ? Est-ce le cas partout et depuis toujours ?

Retour sur les mythes et légendes qui ont nourri et entretenu dans le temps la peur du chat noir.

Mythes et superstitions négatives

Selon les cultures et les époques, les chats eux-mêmes ont été perçus et traités de différentes façons, le chat noir étant toujours l’exception ou celui traité encore moins bien que les autres.

En effet, si on remonte jusqu’au temps des pharaons, le chat était considéré comme une divinité par les Égyptiens. Leurs yeux ayant la capacité de réfléchir la lumière dans le noir de la nuit, les chats étaient les avatars de Râ, le dieu Soleil. Par la suite, ils devinrent l’incarnation même de la déesse Bastet, symbole de protection, de fécondité et de la maternité. Mais malgré ces faveurs, le chat noir, quant à lui, faisait exception car il était assimilé à un Éthiopien représentant le Diable pour les Égyptiens.

Même si durant l’Empire Romain, la compagnie des chats étaient appréciées, notamment par les soldats, l’arrivée du christianisme a par la suite fait émerger avec elle l’idée que le chat était une créature maléfique.

Chat noir et sorcellerie au Moyen-AgeAu Moyen-Âge, le pape Grégoire IX, dans une lettre officielle (une bulle nommée Vox in Rama) datée de 1233, développe l’idée de l’existence du démon Lucifer et de son invocation au cours de rites hérétiques. Le chat noir y est alors décrit comme l’incarnation même du diable. Créateur de l’Inquisition médiévale, il associa cet animal à la pratique considérée comme maléfique de la sorcellerie et de la magie noire.
Ainsi, des sectes les pratiquant offriraient un chat noir en sacrifice au démon. Au 16ème siècle, le manuel inquisitorial Malleus Maleficarum affirmait que les sorcières avaient la capacité de se transformer en chat pour leurs expéditions nocturnes afin de rentrer par les fenêtres ou cheminées en effrayant par leurs hurlements dans le but d’attaquer les enfants.
De là, est né et s’est développé tout un imaginaire autour des femmes (surtout) et des hommes qu’on considérait de « mauvaise vie » et qui étaient alors accusés de sorcellerie. On les reconnaîtrait au fait qu’ils aiment s’entourer de chats, et particulièrement de chats noirs, partageant leurs pouvoirs avec eux et participant en tant qu’incarnation du diable à des cérémonies et rituels de magie noire durant les nuits de sabbat. Il existait bien des cultes païens de ce genre que le christianisme percevait comme une menace. Mais cet imaginaire permettait aussi de persécuter toutes les personnes considérées comme hérétiques par l’Église. Ainsi prétendu(e)s sorcier(e)s et leurs compagnons félins étaient alors persécutés.

Mais avant de parler plus longuement du sort réservé aux chats noirs pendant des siècles et à ce qu’on leur a fait subir au nom de leur couleur, continuons de découvrir les légendes qui ont contribué à leur mauvaise réputation.

Dans son livre « Une histoire de chats », Laurence Bobis évoque de nombreuses légendes à travers l’histoire où cette fois-ci les chats noirs apportaient ou présageaient la mort.
Ainsi, au Moyen-Âge, Césaire de Heisterbach évoque des légendes dont celle d’un homme riche, dans son lit de mort, entouré d’un mauvais prêtre et d’un diacre suffisamment bon pour ne pas être aveuglé par ses mauvais penchants et qui put voir une scène invisible pour les autres : des chats noirs au chevet du mourant qui se mit à crier « Ayez pitié d’un pauvre homme ; enlevez ces chats ! » et qui se fit attaquer par le diable incarné par le mythe égyptien de l’Éthiopien qui lui enfonça un crochet dans la gorge pour lui arracher l’âme…
Il rapporte également l’histoire de l’attaque d’une colombe (symbole d’innocence entre autre), perchée au-dessus de la cellule d’un moine agonisant, par un chat noir représentant le Diable guettant l’âme du mourant.
Toujours dans la même période, Gautier de Coincy parle de « chats plus noirs qu’un sac de charbonnier » qui entourent l’usurier qui va mourir.
Gaufrid de Albusiis, inquisiteur de Carcassonne, aurait également été retrouvé mort dans son lit entouré de deux chats noirs. Saint Louis d’Anjou aurait, quant à lui, été attaqué par le Diable représenté par un grand chat noir lors de sa captivité à Barcelone.

Mais les légendes n’ont pas seulement traversé les époques mais aussi les frontières.
La légende de la Dent du chat en Savoie évoque l’histoire d’un pêcheur qui ramena chez lui un chaton noir qu’il avait retrouvé plus tôt dans ses filets afin que celui-ci s’occupe des souris. Ce dernier aurait alors étranglé toute la famille.
Dans le Vosges, on pensait que la patte gauche d’une chat noir enfouie dans la gibecière d’un chasseur l’empêchait ainsi de bien viser.
Dans le folklore d’un certain nombre de région comme la Bretagne, la Gascogne, la Provence, ou le Languedoc, il existe la légende du Mandragot ou Matagot ou Chat d’argent. Ce chat noir aurait des origines diaboliques, fréquenterait les sorcières, se trouverait à la croisée des chemins la nuit, et aurait le pouvoir de rapporter à l’aube de l’or à quiconque le récompensant (au minimum en prenant soin de lui et en le nourrissant, mais cela pouvait aller jusqu’à échanger son âme !). Dans le cas contraire, le chat offensé se vengerait cruellement, allant jusqu’à conduire certains en Enfer !

Chat noir vu comme maléfique

Un peu plus loin, une légende belge du 12ème siècle évoque l’histoire d’une jeune fille qui accepta une parure à l’apparence d’un chat noir offerte par le Diable qui l’étrangla aussitôt qu’elle eut été mise à son cou. A son enterrement, son cercueil peinait à être soulevé même par 6 personnes et pourtant on n’y découvrit qu’un chat noir qui en profita pour s’enfuir lorsqu’on ouvrit pour vérifier ce qui s’y trouvait.

En Ecosse, du côté des Highlands, aurait existé une créature issue du mythe celte du Cat Sìth qui ressemblait à un grand chat noir avec une tache blanche sur la poitrine. Certains considéraient qu’il était en fait une sorcière transformée. Dans tous les cas, ce chat fantôme hanterait la région. Mais il semblerait que cette légende serait surtout inspirée par un véritable animal, le chat de Kellas qui serait un hybride entre le chat domestique et le chat sauvage.

Enfin une légende japonaise décrit, quant à elle, un gros chat noir ou « chat vampire » qui égorgea dans son sommeil une jeune fille promise au fils de l’Empereur.

Chat vampire de Nabeshima

Toutes ces légendes entretenues, amplifiées, et transmises au cours des siècles ont installé une méfiance bien ancrée des chats noirs qui seraient globalement porteurs au moins de malheur, voire de la mort, voire carrément annonciateur d’une présence diabolique.
Il n’est pas étonnant alors qu’encore aujourd’hui des superstitions perdurent, même si elles sont édulcorées par rapport aux légendes d’origine.
Ainsi, rencontrer un chat noir le 1er janvier annoncerait une année de malheur. Voir un chat noir sur une tombe indiquerait que l’âme du défunt se dirige vers l’enfer. Et plus sobrement et généralement, croiser un chat noir sur son chemin serait de mauvaise augure, sauf si c’est le chat de la maison !?
Après avoir évoqué toutes ces légende négatives, il est évident que celles-ci n’ont pas été que des mots et ont eu des répercussions réelles. Elles se sont malheureusement accompagnées de persécutions de ces pauvres félins.

Persécutions

Dès l’Antiquité, lors de la construction d’un bâtiment et afin de garantir sa solidité et sa protection, et dans le but de payer un tribut au Diable, un rituel consistait à sacrifier un être vivant en l’emmurant dans les fondations. Et vous vous en doutez, bien souvent c’était à un animal de couleur noire tel que les coqs ou les chats qu’on réservait ce sort, et ce jusqu’à la Renaissance.

Bien sûr, avec toutes les histoires d’Inquisition et de procès en sorcellerie dont nous parlions tout à l’heure, les personnes possédant ou même autour desquelles rodait un chat noir étaient accusées de sorcellerie et brûlées vives avec le félin. Cependant, si le chat noir possédait dans son pelage une tache blanche, il pouvait alors être sauvé grâce à ce « doigt de Dieu » !

Chats brûlés vifsDans sa bulle datant de 1484 « Summis desiderantes affectibus », le pape Innocent VIII, très superstitieux, durcit l’Inquisition et lança véritablement une chasse aux sorcières, inaugurant avec elle une période de persécutions félines, encourageant les sacrifices de chats (notamment lorsqu’ils étaient noirs) pour les fêtes populaires. Ainsi, il était recommandé de faire brûler vifs ensemble les hérétiques, les sorcières, les assassins et les chats, notamment lors de la nuit de la Saint Jean. Cet édit eut une influence importante sur la population, parmi les plus fanatiques, et traversa même les différentes couches sociales, qui pratiquèrent ces bûchers dans de nombreux villages mais aussi grandes villes comme Paris, Melun ou Metz entre autres.

Un peu plus au nord, en Ecosse, jusqu’au 17ème siècle, avait lieu un mode de divination un peu particulier (et finalement pas tant que ça quand on voit les habitudes dans le domaine des persécutions animales) : le Taghairm. Ce rituel consistait à invoquer le Diable en embrochant vivants des chats noirs exclusivement pour les faire rôtir afin qu’ils hurlent et attirent ainsi le démon. Ce dernier, apparaissant alors sous la forme d’un chat, était censé prédire l’avenir des participants ou exaucer un de leurs vœux comme celui d’avoir le pouvoir de se rendre invisible.

Magie noire et pharmacopéeDans une volonté d’utiliser les pouvoirs supposés du chat (et non plus juste de le persécuter gratuitement ou par peur, mais encore et toujours par superstition), une fois de plus pendant cette période exquise du Moyen-Âge, on pensait que manger la cervelle d’un chat intoxiquait et faisait perdre la raison. C’était donc un poison bien utile. On attribuait également à sa fourrure le pouvoir de faire perdre du poids. Mais à l’inverse, on pouvait lui prêter des vertus positives. Ainsi selon le manuscrit des Kiramides datant du 12ème siècle, les testicules du chat noir avec du sel avaient le pouvoir de faire fuir les démons. Assez contradictoire quand on sait qu’il a souvent été utilisé pour au contraire attirer le Diable.
Enfin, utilisé en pharmacopée, pour anesthésier toutes les douleurs, il « suffisait » d’attacher le cœur d’un chat noir au bras gauche du patient.

Dans tous les cas, malgré les contradictions de ces superstitions et quel que soit ce qui motivait la transmission de ces légendes et rituels, il n’en reste pas moins qu’on prêtait aux chats, et particulièrement aux chats noirs, des pouvoirs surnaturels bien souvent néfastes, plus ou moins en lien avec la mort voire même avec la figure du Diable. Enigmatiques, mystérieux, trop indépendants, indomptables (bref tout ce qui fait qu’on aime aujourd’hui les chats !), ils fascinaient certains mais ont trop souvent inspirer la crainte, accusés alors dans les périodes les plus superstitieuses de perfidie et d’être l’incarnation cachée et séduisante du Mal ou d’une force néfaste .

Après toutes ces histoires négatives, glauques et cruelles, tournons-nous vers leur versant positif. Car oui il existait bien des légendes et croyances positives sur les chats, même dans leur version noire.

Légendes et croyances positives

Comme nous le disions tout à l’heure, le chat a quand même connu des heures de gloire au sein de la civilisation égyptienne et même romaine où il était au minimum un compagnon très apprécié et choyé. A l’apogée de son succès, le chat était même un symbole de protection et de fécondité en incarnant la déesse égyptienne Bastet.

Statuette égyptienne de la déesse Bastet

Il est difficile de trouver des choses positives concernant les chats au cours du Moyen-Âge, ce qui fait une période bien longue de mauvaise réputation et de persécutions.
Les esprits ont commencé réellement à changer à partir du milieu du 18ème siècle. Dès même le 17ème siècle, selon Laurence Bobis, Marguerite Hessein, connue comme la Dame de La Sablière et amie de Jean de La Fontaine, séduite par les félins, abandonna sa passion pour les chiens au profit des chats noirs.

Malgré la mauvaise image que l’on a souvent attribuée aux chats en les considérant au minimum comme des animaux paresseux et donc inutiles, et surtout trop indépendants, leur compétence de chasseur de rats et de souris a su être appréciée à travers les époques plus particulièrement dans les campagnes, près des champs et des récoltes.

Les marins, quant à eux, en plus d’embarquer avec eux des chats sur leurs bateaux pour lutter contre ces mêmes rongeurs, leur attribuaient un pouvoir sur les éléments. En effet, au contraire des femmes, les chats étaient les bienvenus notamment les chats noirs qui, placés sur le pont en cas de calme plat, étaient censés faire que les vents se lèvent. Et pas question de s’énerver et de vouloir jeter le chat noir par dessus bord, sinon ce sont les éléments qui risquaient de se déchaîner.

Dans la même logique de bénédiction divine représentée par le blanc de ce fameux doigt de Dieu incarné par toute tache blanche sur le pelage d’un chat noir dont nous parlions tout à l’heure, une croyance bretonne veut que tout chat noir ait forcément au moins un poil blanc qui porterait bonheur à toute personne capable de le trouver et de l’arracher. Même si ce ne sont que quelques poils, là encore, même si la tonalité est cette fois-ci positive, on veut quand même embêter une fois de plus le félin en question.

Si l’on voyage un peu plus loin, on apprend que pour les musulmans le chat est le bienvenu dans les maisons en tant que gardien et est respecté, ce peut importe sa couleur. Contrairement au chien notamment de couleur noire car il porterait malheur (vous me direz on ne fait que déplacer le problème malheureusement). Cela viendrait de l’attachement de Mahomet pour les chats. En effet, il aurait lui-même eu une chatte nommée Muezza pour laquelle il aurait préféré couper son manteau sur lequel elle s’était endormie plutôt que de la réveiller. Comme celle-ci lui montra sa reconnaissance, Mahomet décida d’accorder à tous les chats la faculté de pouvoir retomber sur leurs pattes lors d’une chute. Elle était même souvent présente dans ses bras lors de ses prêches. Et c’est en souvenir de cela que les chats sont encore de nos jours libres d’entrer dans les mosquées et même d’y dormir. Le chat aurait même une place réservée au Paradis.

En Afrique, dans la culture des Bantous (qu’on retrouve dans plusieurs régions de certains pays d’Afrique comme le Cameroun, les Comores, le Soudan ou l’Afrique du Sud), le chat est le seul animal qu’on ne peut pas accusé de sorcellerie, et ce quelle que soit sa couleur.

Maneki-NekoAu Japon, le célèbre Maneki neko, symbole de chance, est une statuette traditionnelle représentant un chat assis et levant une ou deux pattes au niveau des oreilles. On le trouve beaucoup sur les devantures des magasins, près des caisses dans les centres commerciaux pour attirer la fortune. Dans les maisons, on le trouve plutôt sous forme de tirelires, porte-clefs, ou autres petits accessoires de décoration. Il en existe dans différentes couleurs. La version noire est censée avoir le pouvoir de repousser les esprits maléfiques, et dans cette logique ils sont particulièrement appréciés par les femmes car capables d’éloigner les agresseurs. Il est aussi parfois associé à la santé (comme sa version rouge).

Il existe donc des endroits du monde où les chats, même ceux de couleur noire, ont pu vivre paisiblement à travers les époques.

Mais quand est-il du sort qui leur est réservé dans la fiction qui a contribué à nourrir l’imaginaire collectif ?

L’imaginaire issu de la fiction

Kot Baïoun, le chat conteur russePartons tout d’abord en Russie, où il existe un conte traditionnel « Va je ne sais où, rapporte je ne sais quoi », dans lequel le héros doit à un moment donné aller à la recherche du terrible Kot Baïoun, le chat conteur, qui bien évidemment a les traits d’un chat noir. Avant même d’arriver, il est prévenu de la torpeur invisible qui risque de le saisir à la vue de ce chat. Une fois face à lui, le félin l’attaque et ne s’arrête qu’une fois immobilisé par le héros pour mieux l’endormir en lui racontant des histoires. Mais le héros résiste, se venge en lui faisant goûter un pain de fer sur lequel le chat se casse les dents, et force le félin à le suivre jusqu’au palais du tsar où ils vécurent finalement ensemble longtemps et paisiblement.

Edgar Allan Poe choisit lui aussi un chat noir dans Le chat noir – et autres nouvelles pour représenter le démon qui ronge le narrateur, symbolisant la perversité et la folie.

La réputation funeste et diabolique du chat noir traversa les océans en suivant elle-même la chasse aux sorcières naissante aux Etats-Unis, issue du développement d’une paranoïa puritaine qui s’y développe, et dont l’épisode le plus célèbre est celui du procès des sorcières de Salem.

Ainsi se répand un peu partout la représentation du chat noir, qui n’est plus le serviteur de Satan comme par le passé, mais encore et toujours le compagnon des sorcières. Afin d’être reconnaissable, plus aucune d’elles n’est représentée sans son chat noir, accessoire indispensable (auquel se rajoutera le balai), que ce soit dans les livres pour enfants ou les représentations populaires. Heureusement pour eux, le monde des sorciers et son imaginaire qui leur collent à la peau sont devenus particulièrement populaires depuis quelques décennies, notamment grâce à la saga Harry Potter.

Les sorcières toujours accompagnées de leur chat noir dans l'imaginaire culturel

Dans la bande-dessinée et même du côté des films d’animation, il existe aujourd’hui autant de chats sympathiques que leur version antipathique. On observe que les versions méchantes sont plus souvent soit de couleur foncée (mais pas toujours noire) soit rousses (autre couleur associée aux sorcières).
Mais lorsqu’un chat à la robe foncée est présenté en héros sympathique, il est rarement tout noir. Il faut toujours qu’il est une partie de son corps (le bas de la tête, la poitrine, le ventre, ou les bouts de pattes) qui soit blanche. Encore ce « doigt de Dieu » incarné par le blanc qui sauverait le chat noir en le rendant plus sympathique et acceptable…? On peut se poser la question.

Chat noir et blanc de lumière

Que ce soit Hercule (dans la bande dessinée de Pif le chien), le Poussy de Peyo, Sylvestre connu sous le nom de Gros Minet, Figaro (dans Pinocchio puis dans l’univers de Mickey Mouse comme chat de Minnie), Félix (dessin animé américain), Sénéchal (issu de la bande dessinée de Cubitus), tous sont noirs ET blancs.

Les chats noirs dans la BD et l'animation

Enfin la mauvaise réputation supposée du chat noir lui a permis d’incarner une forme de rébellion et de provocation que ce soit en tant que nom de cabaret parisien célèbre, ou en tant que symbole de l’anarcho-syndicalisme représenté par Ralph Chaplin (figure de premier plan dans les Industrial Workers of the World) et aujourd’hui utilisé par la Confédération Nationale du Travail (ou CNT).

Chats noirs rebelles

On se rend donc compte que le chat noir est très peu représenté dans la culture et les œuvres de fiction. S’il apparait sympathique, il a toujours au moins une tache blanche, si ce n’est pas toute une partie du corps de cette couleur. Et quand il est décrit ou montré comme entièrement noir, il a rarement le beau rôle. Sa mauvaise réputation le poursuit donc dans l’imaginaire véhiculé par la culture qui perpétue et entretient cette image négative. Cependant, cette crainte qu’il inspire, ainsi que son statut de persécuté et de mal-aimé lui permettent d’être utilisé par provocation pour représenter la rébellion et la révolte.

Mais après la découverte de tous ces mythes, légendes, croyances, imaginaires collectifs et culturels, il est temps maintenant de s’intéresser de plus près au chat noir lui-même. Qui est-il réellement ?

Qui est réellement le chat noir ?

Les légendes et superstitions autour du chat noir sont malheureusement toutes plus inventives les unes que les autres et se contredisent parfois. Mais il reste que le chat noir ne semble laisser personne indifférent, qu’il a pu faire couler beaucoup d’encre et inspirer les pires craintes. Le chat, encore plus quand il porte la couleur noire trop souvent considérée comme funeste, a été craint autant qu’il a pu fasciner les Hommes.
Mais dans les faits qui est-il ?

Bien souvent, quand on pense au chat noir, on imagine un chat complètement noir. On dit alors que c’est un chat à la robe solide, self-colored ou self pour les anglophones, ou tout simplement unie. Son pelage est alors entièrement noir, ainsi que ses coussinets et son nez.
Cependant, il existe quelques variantes qui peuvent être perçues ou considérées comme des chats noirs. En effet, il existe entre autres des chats à la robe « tabby » (ou tigrée) noire, qui présentent des marques noires sur un fond marron plus ou moins foncé (qui peut être appelé « brown tabby »). Mais aussi des chats à la robe noire « smoke » ou fumée. La robe noire sous toutes ses formes représente 31,3 % des chats de race enregistrés au LOOF entre 2003 et 2012.

Différentes robes de chats noirs

Une seule race de chats se définit exclusivement par une robe unie de couleur noire : le Bombay. Il est donc caractérisé par cette couleur de jais mais aussi par un pelage à poils courts. Son corps est « musclé et compact […], son museau court […], ses oreilles bien espacées. Les yeux, grands, ronds et espacés l’un de l’autre, sont de couleur or à cuivre ». Il est surnommé « panthère miniature » du fait de sa couleur mais aussi celle de ses yeux et pour son aspect proche du grand félin, ressemblance recherchée par ses créateurs qui ont croisé pour cela des American Shorthair noirs et des Burmeses sable.

Chat de race Bombay

Tous les spécialistes s’accordent à dire que la ressemblance avec la panthère s’arrête au caractère, car le Bombay, incarnation même du chat noir, serait un animal très sociable, qui rechercherait le contact humain, qui serait très affectueux voire « pot de colle ». Patient, doux et gentil, il saurait apprécier la compagnie des enfants et des chiens. Moins bavard que le Burmese dont il est issu, il le serait cependant un peu, et les Bombay aurait la réputation d’avoir une « voix » douce et agréable. Actif, joueur, curieux, sûr de lui et intelligent, il aimerait rapporter des objets et jouer à cache-cache. Plutôt casanier, il serait capable de s’adapter à la vie en appartement. Qu’il soit sédentaire ou pas, que son territoire soit petit ou pas, malgré une vie pacifique, le Bombay garderait un très très bon appétit !

Même s’ils ne sont pas tous des Bombay, ce dernier fait malgré tout mentir avec son caractère sympathique, amicale et souple la mauvaise réputation construite pendant des siècles des chats noirs qui voudrait qu’ils soient méchants, agressifs, maléfiques, porteurs de malheur, au caractère sombre et funeste.

Difficultés d’adoption et effet Black Panther

Chat noir sur fauteuil

Comme nous le disions tout au début, les animaux de compagnie de couleur noire, et notamment les chats noirs, souffrent encore aujourd’hui de la mauvaise réputation rattachée à la couleur de leur robe, et cela se traduit par des difficultés à être adoptés.
En effet, en Europe où les légendes négatives se sont longtemps développées et ancrées dans l’imaginaire collectif, la réhabilitation a été longue et surtout tardive puisqu’ils n’ont fini par trouver pleinement leur place aux seins des foyers qu’à partir du 19ème siècle.

Mais aujourd’hui, leur particularité commencent à faire un peu plus d’adeptes, l’arrivée du Bombay et son aspect de petite panthère ayant bien aidé.

Affiche du film Black Panther

Et fait très récent et inattendu, dont les premiers effets ont été observés dans un refuge du Colorado à Durango, le dernier blockbuster de Marvel, Black Panther dans lequel les héros prennent l’apparence de panthères pour se défendre, semble avoir apporté une image de puissance et force positive aux chats noirs. En effet, dans cette ville, les refuges comptaient régulièrement en moyenne 50 à 60 chats noirs à l’adoption avant le film. Et depuis sa sortie en salle, ils ont tous été adoptés ! Mais même si les adoptants ne venaient pas pour accueillir un chat noir spécifiquement, il semblerait qu’ils aient eu des facilités à se tourner vers eux pour avoir un félin « comme Black Panther », certains donnant même le nom des personnages du film tels que T’Challa, Okoye ou Shuri.

Cependant, il semble important de rappeler que, même si cette vague d’adoption confirme une réelle réhabilitation qui se poursuit grâce à la force d’un imaginaire culturel positif envers les chats noirs et est une très bonne nouvelle pour eux, un animal n’est pas un jouet qui peut subir l’effet d’une pulsion ou d’un effet de mode passager, dont on n’a plus tellement envie une fois l’envie passée (à ce sujet, je vous conseille d’ailleurs notre article sur les questions à se poser avant de décider d’adopter un chat). Mais il est extrêmement positif que cela ait permis à des gens, lors de leur passage dans un refuge motivé par une réelle envie d’adopter un chat, de se tourner naturellement vers un chat noir.
Même si l’enthousiasme pour le film va finir par passer, espérons que la force de cette nouvelle image positive va contribuer à achever leur réhabilitation et à remplacer définitivement leur mauvaise réputation construite par des siècles des superstitions infondées et crédules.

Une seconde chance

Je ne sais pas ce que vous avez répondu spontanément aux premières questions posées au début de cet article. Mais si l’envie de vous tourner vers un chat noir lorsque vous serez décidé à adopter un félin vous tente, peut-être encore plus maintenant après la lecture de cet article je l’espère, je vous conseille notamment le site Seconde Chance.

Hibou, chat de StellaStella, future contributrice à Chat parle des Chats dont vous pourrez prochainement lire des articles sur notre site, a elle-même trouvé son chat grâce à Seconde Chance, qui a pour but de mettre en relation des particuliers souhaitant adopter un animal avec des refuges et des associations à but non lucratif portant secours aux animaux et en proposant à l’adoption, par le biais de petites annonces laissées sur le site. Elle a ainsi pu recueillir depuis quelques mois un adorable chat noir, vif, curieux, intelligent, joueur, affectueux et très câlin, nommé Hibou. A lui seul, il fait une fois de plus mentir s’il le fallait encore la mauvaise réputation des chat noirs qui a trop longtemps duré.

Ce site œuvre d’ailleurs à réhabiliter les animaux de couleur noire, et notamment les chats avec cette teinte de robe, grâce à sa catégorie Perles noires et à son opération du même nom sur les réseaux sociaux. N’hésitez pas à aller y faire un tour, notamment si ou lorsque vous serez dans l’optique d’accueillir chez vous un nouveau compagnon.

Alors que vous ayez déjà un chat noir ou pas, que vous ayez l’envie un jour d’en adopter un ou pas, j’espère en tous cas que cet article vous aura appris quelque chose et donner l’envie de (re)découvrir cet animal qui a été trop longtemps mal-aimé.
Et la prochaine fois que vous en croiserez un dans la rue, ne le fuyez pas et allez lui dire bonjour de notre part !

Rencontre entre humain et chat noir

Sources :
– livre : Une histoire du chat. De l’Antiquité à nos jours par Laurence Bobis
– sites : Yummy PetsChat-bombay.com, Jardinage.lemonde.fr, Wikipédia/Robe noire, Wamiz/Chat Bombay, Wamiz/Film Black Panther, Daily Dot, Wamiz/Opération Perle noire
– crédits photos : Statuette égyptienne Bastet (Einsamer Schütze), Maneki Neko (Douglas Sprott), Statue en fer forgé sur un toit d’une sorcière sur son balais avec son chat (Franco Ratti), Chat de race Bombay (Lanceau Cogis), Affiche film Black Panther (Copyright Walt Disney/Marvel)

Héloïse est passionée de chats. Elle gère la partie rédaction du site. Elle fouille le net à la recherches des dernières informations croustillantes ou utiles sur les chats.